vendredi 3 juin 2016

Au delà du rêve

               A peine installée à sa table préférée dans ce bar qu'elle affectionne, l'inspiration la gagne et les mots se couchent sur le papier. Le brouhaha qui l'entoure devient murmure, son esprit vagabonde puis se perd en sensation avant de s'immortaliser au fil des lignes.
               Plus rien n'a d'importance, plus rien n'existe. Elle est seule au monde ou plutôt...dans SON monde. Rien ne peut la perturber, non absolument rien, ni personne. Sa passion et elle ne font qu'un. Elle est comme possédée, habitée par ce qu'elle écrit, jusqu'à en sentir le moindre frisson, la moindre odeur, tout comme l'essence musquée du parfum qui titille son odorat en cet instant.              Elle relève la tête quelques minutes puis ferme les yeux pour encore plus se plonger dans son histoire. Lorsqu'elle les rouvre, elle s'aperçoit que le parfum est plus présent et bien plus réel. Elle se penche de nouveau sur son ouvrage en souriant : son imagination devient de plus en plus fertile et visiblement décuple ses sens. Concentrée, les yeux rivés sur le papier, elle ne voit que ses mots, encore et encore mais soudain elle frissonne en humant de nouveau ce parfum qui flotte dans l'air. Elle lève le nez et scrute la salle en se souriant à elle-même. Qu'espérait-elle ? tomber nez-à-nez avec son héros si beau, si sexy au parfum envoûtant ?
              Et pourtant, cette "interruption" momentanée d'inspiration la trouble. Est-elle si habitée par ses mots, ses histoires, qu'elle ne distingue plus le rêve de la réalité? Etrange, oui, étrange. Elle se cale contre le dossier de la banquette, les yeux mi-clos, en croisant les jambes, laissant sa jupe fendue remonter et découvrir d'avantage sa cuisse, puis s'abandonne au regard insistant et sensuel de cet homme sexy imaginaire qui la caresse et la déshabille. Ce regard qu'elle sent si réel et ce parfum omniprésent presque à portée de main. Un parfum qu'elle s'imagine s'approprier en écartant les pans d'une chemise afin de découvrir un torse enivrant.
               Ses pensées deviennent ses écrits et ses écrits reflètent ses pensées. Elle rougit légèrement et lui ne se lasse pas de son beau visage, s'imprégnant de chaque sourire, chaque expression. Elle porte alors son stylo à ses lèvres sur lesquelles se dessine un sourire d'abord discret puis coquin lorsqu'elle imagine un doigt masculin les dessinant avant de descendre le long de son cou, son épaule, jusqu'à la naissance de son décolleté. Si enivrée, elle lâche son stylo et porte la main à son cou et la laisse glisser à l'intérieur de son chemisier entrouvert imaginant la sienne. A cette pensée, elle est parcourue de frissons et sent le regard envoûtant de son compagnon de jeu, satisfait de la voir si habitée par ses sentiments, ses émotions qui provoquent en lui l'envie irrésistible de l'attirer à lui.            Elle s'enfonce un peu plus dans le cuir de la banquette, décroise les jambes et laisse sa main lentement descendre sur son ventre. Elle sent sa respiration s'accélérer et si elle était seule, elle la glisserait volontiers sous sa jupe pour accroître le désir naissant en elle. Elle pourrait écrire tout ce rêve envoûtant mais elle préfère le ressentir et savourer chaque seconde. En souriant, elle se mord la lèvre inférieure et parvient même à s'enivrer du souffle chaud de cet amant. Elle va juste qu'a ressentir le frôlement de son pantalon contre sa cuisse.            Puis le souffle glisse dans son cou, sur sa joue. Elle doit être folle, oui c'est ça, folle. Elle revient lentement à elle, se ressaisit, ouvre les yeux puis retient sa respiration. Le parfum qui la guide depuis son arrivée n'est plus un rêve et l'homme qui le porte est là, assis à côté d'elle, son regard plongé dans le sien, sa jambe contre sa cuisse. Elle reste immobile, incapable du moindre mouvement, en proie à tout ce qui émane de cet homme. Sa beauté, sa sensualité, son charme et son pouvoir de séduction, la laissant totalement à sa merci.           Rougissante, elle pose son regard sur sa chemise, entrouverte, celle dont elle a imaginé écarter les pans et ose poser sa main sur sa peau à l'odeur musquée. Puis, elle revient à son visage, mémorisant chaque détail. Ses yeux si clairs, son nez parfait, une fossette se formant par son sourire, ses lèvres minces qu'il humidifie de sa langue sous son regard dévorant tout en glissant une main sous sa jupe pour la remonter et glisser entre ses cuisses. Ce contact la fait frémir et elle ne sait plus dans quel monde se situer. Est-elle dans un doux songe ? Un rêve dans un rêve ?
          Lorsqu'il pose une main sur sa joue pour la caresser de son pouce et prendre possession de sa bouche, là elle sait qu'il est bien réel et pourtant le monde s'arrête de tourner et plus rien n'existe, comme dans un rêve. Leurs langues se cherchent et se trouvent. Elles ont un goût de passion, d'envie. Et lorsqu'il quitte ses lèvres pour murmurer : “Rêve avec moi”             Elle sait que le rêve, ne prendra jamais fin.